Crest : l'orgue du temple


Photos souhaitées. Merci d'avance.

 

Historique :

I – L’ORGUE À CYLINDRE (1824-1858)

Au printemps de 1824, disposant de quelques fonds réunis par souscription, le Président du Consistoire se mit en relation avec un fabricant de Mirecourt, Payonne, gendre et successeur (vers 1823) de Lété-Simon aîné. L’orgue du temple de Dieulefit avait été fourni par la Maison Payonne-Lété. Le Pasteur L. F. Arnaud estima que cet instrument, qu’il connaissait, correspondait à ce qu’il était convenable d’installer dans le temple de Crest. Payonne n’est guère connu comme facteur d’orgues, et parait avoir été plutôt le dirigeant de l’entreprise qui prit naissance à Paris avant de s’installer à Mirecourt, où elle fabriquait non seulement des orgues, mais toutes sortes d’instruments de musique. Son beau-frère, Nicolas Antoine Lété (1793-1855), eut par contre une certaine renommée comme facteur d’orgues. On lui doit un grand nombre d’orgues à cylindre, mais aussi 23 grandes orgues d’église (dont Bar sur Aube, Annecy et Nantua).

L’orgue à cylindre n’était pas une nouveauté. Au 18e siècle, Dom François Bedos de Celles, dans son magistral traité L’art du facteur d’orgues (1776-1778), en avait fait la description. L’usage s’en répandit après la Révolution et le Premier Empire, où par suite de la suppression des maîtrises, l’art de toucher l’orgue était presque entièrement éteint et les organistes devenus rares. Ces instruments, avec ou sans clavier à main, rendirent de grands services aux paroisses de la campagne et des petites villes. Ils présentaient l’avantage de substituer une mécanique à l’organiste, d’être de bonne confection et peu coûteux. Lété-Simon fut de ceux qui contribuèrent à leur diffusion. Les cylindres, éléments interchangeables, comportaient des crans ou dents, disposés en fonction de la musique à reproduire. Les révolutions du cylindre, actionné à la manivelle, faisaient agir les crans sur les touches d’un clavier.

L’orgue à cylindre pouvait être utilisé comme un orgue ordinaire, s’il disposait d’un clavier à main. Ce fut le cas du premier orgue à Crest.

Il fut livré en caisses (1825) et son montage fut laissé aux soins des utilisateurs qui reçurent les instructions écrites nécessaires pour le faire mouvoir.

Il revint à 3000 francs, en comptant les frais de caisses, de transport, de musique (composition des cylindres) et divers aménagements complémentaires à son installation sur la tribune.

On en connaît quelques dimensions 6 pieds 1/4 de hauteur – 1 pied (= 33 cm) –, 54 pouces de large et 25 pouces de profondeur. La caisse avait 7 pieds, le devant et le derrière se fermant avec des volets.

Il était composé de 5 jeux et, peut-être, d’un sixième demandé tardivement et qui pourrait avoir été une tierce.

Composition : 2 jeux en bois, bourdon et flûte. 3 jeux en étain, quinte, doublette, octave de la quinte. Chaque jeu avait 42 tuyaux ; les sommiers du bourdon et de la flûte étaient à double soupape. Pour soutenir la montre (3 pieds ou 3 1/2), qui était muette, il y avait un sommier postiche orné de trois tourelles. De chaque côté de la montre était placée une colonne.

Le clavier à toucher comportait 42 touches en ivoire, les demi-tons étant en bois d’ébène. Le clavier à cylindre en avait 32, mais il n’y avait pas de pédalier. La personne qui touchait l’orgue ainsi que l’homme à manivelle n’étaient point vus. Le soufflet à plusieurs plis était mû par une pédale. Enfin, dix cylindres à 96 crans, de 42 pouces de long et de 7 pouces de diamètre, permettaient le jeu de 36 airs différents, principalement des Psaumes choisis dans le Psautier de Lausanne de 1798.

Cet orgue à cylindre a été utilisé jusqu’en 1858.


II – L’ORGUE BEAUCOURT (1858) modifié par MERKLIN (1897)

C’est encore le registre des délibérations du Conseil presbytéral de l’Église réformée de Crest qui nous éclaire le mieux sur l’installation du nouvel orgue (séance du 2 novembre 1858) : Le Président expose... la nécessité de changer l’orgue à manivelle dont nous nous servons depuis 34 ans pour accompagner le chant dans notre temple. Cet instrument, à force de réparations et d’accordements, était devenu très défectueux. Vous avez voulu le remplacer par un orgue meilleur, d’une plus grande puissance de sons et d’un clavier plus étendu. Vous vous êtes adressés à un facteur de Lyon (Beaucourt) bien connu par les ouvrages de ce genre qu’il a déjà faits. Il est venu sur les lieux, il a considéré la capacité du temple ; vous avez convenu avec lui qu’il vous fournirait un instrument convenable pour le prix du 2.750 francs, mis en place, à compte desquels il s’est chargé de l’ancien au prix de 200 francs. Dès lors, une souscription fut ouverte parmi les fidèles, elle fut bientôt remplie. L’orgue est mis en place depuis le 15 septembre ; maintenant il est payé.

Faute d’éléments, nous ne pouvons le décrire et il nous faudra attendre le devis de réparations de 1889 pour avoir un aperçu de sa composition.

En 1858, Henri Beaucourt était associé à J. M. Voegeli, importateur en France de la nouvelle théorie mathématique de la facture d’orgues de J. G. Töpfer. Il appartient à la période dite de transition où s’illustrèrent les facteurs Callinet, Daublaine-Callinet, Stiehr et Nicolas Antoine Lété, déjà cités.


– 1889

En février 1889, Beaucourt procéda au relevage de l’orgue qu’il avait installé trente ans plus tôt. Son devis (470 francs) nous renseigne quelque peu sur l’instrument. Il commence par observer que celui-ci, de facture ancienne mais consciencieuse, n’a pas été entretenu régulièrement. Il se trouve maintenant dans l’impossibilité de fonctionner convenablement : sa mécanique est devenue quinteuse et son accord aussi bien que son embouchage sont totalement perdus. Le relevage ou époussetage pouvait, à son avis, amener l’instrument à ce qu’il était lors de sa livraison. Il proposait de la compléter par un 5e jeu, ce qui n’offrait aucune difficulté, l’instrument ayant été conçu pour le recevoir. Le jeu, dit-il, qui convient le mieux soit au milieu, soit comme effet à lui propre, soit aussi comme mélange avec ceux existants est un dessus de salicional de 8 pieds avec basse en 4 pieds. Le dessus est un jeu en étoffe, à bouche et ouvert, il sera avec entailles d’accord et sera accordé en céleste avec les autres jeux... Quant à la basse, d’une octave plus haut que le dessus, elle serait en bourdon également en métal...


– 1897

De nouveaux travaux de relevage et surtout d’amélioration sont entrepris. Confiés à J. Merklin et Cie de Paris, ils furent exécutés en mars. Tous les tuyaux furent nettoyés et réparés ; ceux en étain furent allongés " pour recevoir l’application d’entailles harmoniques ayant pour but de donner aux jeux beaucoup de clarté, de sonorité et de faciliter l’accord et l’entretien ". Le jeu de flûte 8p, incomplet et d’une mauvaise sonorité, fut remplacé par un jeu de gambe 8p en étain. On fit " application d’une boîte d’expression consistant en une devanture de lames mobiles mises en mouvement au moyen d’une pédale et produisant les effets de pianissimo et de fortissimo de tous les jeux ". Le sommier et toutes les pièces du mécanisme de transmission des mouvements des claviers et des registres furent nettoyés, visités soigneusement et réglés à nouveau. Enfin, le buffet fut agrandi en profondeur afin de placer la devanture de lames mobiles.

La nouvelle composition de l’orgue se présentait ainsi :

La dépense s’éleva à 1300 francs, couverte par un don exceptionnel de Madame Maracci (900) et par ceux de quelques familles protestantes de Crest : M Mmes Breyton, Casteran, Galibert, Charles Latune, Maunoir, Mazade, Reboul-Garnier, Valayer, Melle Madeleine Barral, MM Arnaud, pasteur, Chabrières (Lyon), Fallot, Peloux, pasteur, Ernest Reboul, Dr Ricateau, Dr Scheffer, Charles Tavan, Valayer (de Lyon).

Le Docteur André Ricateau, comme le Pasteur F. E. Arnaud, furent satisfaits du travail de Ziegler, harmoniste de Merklin. Nous ne saurions manquer de rendre, au passage, hommage à la mémoire du Dr Ricateau, décédé en 1937, après une soixantaine d’années d’activités bienfaisantes au service des Crestois. C’était également un fin musicien qui, longtemps, remplit les fonctions d’organiste et dirigea la chorale de la paroisse.

 

– 1925-1926

Comment l’orgue Beaucourt-Merklin résista-t-il à l’usure du temps et au manque d’entretien, maladie chronique des orgues d’églises ? En 1897, Merklin avait recommandé de procéder à deux accords annuels. Des accords, même réguliers, ne suffisent cependant pas à maintenir en état un instrument aussi complexe et délicat qu’est un orgue.

Dans le numéro d’octobre 1925 de l’Écho de la Drôme et de l’Ardèche (périodique protestant), nous lisons à la rubrique "Crest" : Le 2 septembre, c’était la Fête des orphelines, toujours populaire et aimée dans notre région... Nous remercions notre éloquent prédicateur M le Pasteur Boegner (Marc) de Paris... Huit jours plus tard, le temple se remplissait à nouveau pour un concert de musique religieuse. On célébrait ainsi le centenaire du premier orgue, en même temps que l’on cherchait les ressources nécessaires à la restauration de l’orgue actuel...

Qui effectua les travaux ? En quoi ont-ils consisté ? Nous l’ignorons. Nous savons seulement que le 1er septembre 1926, puis le 7 septembre 1927, Alexandre Cellier (1883-1968), l’éminent organiste, compositeur et musicologue protestant, donna deux concerts, hautement appréciés, au temple de Crest. Sa présence laisse à penser que l’orgue avait alors été restauré, à la hauteur de ses talents.

 

– 1986

Les Crestois ont encore présent à l’esprit et à l’oreille le concert donné le 11 avril 1986 par Mme Marie Louise Girod-Parot, organiste du temple de l’Oratoire du Louvre à Paris, à l’occasion du concert inaugural de l’orgue, une nouvelle fois restauré. L’arrivée de quelqu’un qui pouvait tenir l’orgue provoqua le déclic attendu. Georges et Claude Richard-Molard vinrent s’établir à Crest en mars 1984.

 

– 1984-1987 : L’organiste de service raconte…

En mars 1984, j’allais au culte pour la première fois dans notre nouvelle paroisse. Cela tombait précisément sur le jour de l’Assemblée générale annuelle. Levant les yeux vers la tribune éteinte, j’interrogeais : Personne ne joue ?Non, hélas ! mais si vous voulez monter, on sera bien content… J’accompagnais donc comme je le pus, car le clavier était extrêmement dur, les jeux pleins de " trous ", et le demi pédalier décalé par rapport à la norme avaient découragé mes précédents collègues… 3 jeux sur 5 fonctionnaient à moitié sur l’unique clavier.

En novembre 1984, une trentaine de personnes réunies autour de l’instrument à la tribune acceptèrent avec enthousiasme les propositions de rénovation. L’association Les amis de l’Orgue du Temple de Crest (AMOTEC) était née.

Je ne pus en accepter la présidence que forte du soutien du comité élu : René Point et Jean Reynier, vice-présidents, Louise Faure, secrétaire, Raymonde Bruyer, trésorière, et dans l’ordre alphabétique, Germaine Alloird, Jean-Louis Alcouffe (chef de la chorale), Louis Bondono, Jean-Marc Gorse, Evelyne Goy, Perrine Heinrich, Huguette Lebras, Odette Locatelli, Maurice Perdrizet, Monique Point, Mireille Rozier, Ginette Veyrier. Le fonctionnement normal des assemblées générales a accepté 3 démissions et accueilli en remplacement Yves Rochat, Henri Buffler et Jacques Joubert, ces deux derniers offrant leurs services à l’orgue.

L’AMOTEC s’est voulue œcuménique, à l’image de la chorale, et débordant la ville de Crest. L’article 2 des statuts mentionné dans le Journal Officiel du 2 janvier 1985 stipule : Pourvoir à la rénovation de l’orgue afin qu’il puisse mieux servir à la vie spirituelle de la paroisse réformée évangélique de Crest. Veiller à son emploi judicieux en dehors des besoins de l’église, en particulier en le mettant éventuellement à la disposition de l’école municipale de musique. Assurer son entretien. En raison de ce caractère artistique, culturel et éducatif, la Direction Générale des Impôts accorda en sa lettre du 29 janvier 85 une déduction de1% du revenu imposable des donateurs.

Des prêts et dons anonymes permirent d’avoir un plan de financement au départ. Le docteur et Mme M. Rozier, M Perdrizet s’employèrent avec succès a obtenir des subventions à l’échelon local, régional et national, ainsi que des dons des villes jumelées. Édouard Goulon écrit : II apparut rapidement que l’entreprise était assurée du succès ; le devis présenté par les Établissements Laval et Thivolle, facteurs d’orgues à la Motte de Galaure (Drôme) fut retenu. Les jeux anciens furent réutilisés dans la mesure du possible. Les travaux furent achevés en mars 1986, et entièrement payés en juin. On peut mesurer, par l’actuelle composition, combien l’orgue fut enrichi :

Les nouvelles possibilités de l’orgue ne pouvaient pas être mieux démontrées que par Marie-Louise Girod-Parot, organiste à l’oratoire du Louvre à Paris, au cours du concert inaugural du 11 avril 1986, concert. qu’honorèrent de leur présence le président du Conseil Général de la Drôme, Rodolphe Pesce, Mme Mazuray, de l’ADDIM, le Maire de Crest, Max Tabardel. M.-L. Girod donna libre cours à son talent d’improvisatrice sur le thème du Psaume " Que Dieu se montre seulement... " que je lui proposais. Plus de 400 personnes l’applaudirent. D’autres concerts suivirent, avec l’aimable concours d’Yvaine Duisit, fille de l’ancien pasteur de Crest, Eddy Bernard, organiste aux Etats-Unis, de Bernard Heiniger, organiste en Suisse, Jacques Jarmasson, trompettiste en Avignon, Odette Goulon, organiste à Paris, Jean-Christophe Robert, hautboïste.

Hormis l’organisation de ces grands concerts, et pour chercher à répondre aux demandes de prestations des musiciens habitant la région, le comité créa l’heure musicale du temple en fin d’après-midi certains dimanches. Nous avons ainsi accueilli : Henri Buffler, Renaud Arnoux, tromboniste, Annie Leenhardt, organiste à Montélimar, Liliane Tauleigne, organiste à Valence, Gilbert Faurite, violoniste, Jean-Marie Faurite, Annabel Faurite, Jean-Philippe Faurite, hautboïste.

Offrir aux habitants de Crest et de la région une musique pour tous, nous apparaît être l’observance du statut veiller à l’emploi judicieux de l’orgue.

 

CONCLUSION

Dans cet exposé de l’histoire de son temple et de son orgue, nous avons évoqué quelques événements qui touchent à l’histoire de l’Église réformée de Crest. Les uns appartiennent à un passé déjà bien éloigné, les autres sont encore tout proches.

Ils le savaient bien tous ceux qui avaient pris place dans le temple de Crest, en ce dimanche 1er décembre 1822, et qui chantèrent peut-être dans la joie le Psaume 127.

Paris, le 8 octobre 1986 Crest, le 8 octobre 1987

 

NOTES

Caractéristiques actuelles de l’orgue du temple de Crest, après les restaurations effectuées en 1989 et 1995

 Grand orgue :

 Positif ou Récit :

 Pédalier :

  • Montre 8’’
  • Bourdon 8’’
  • Prestant 4’’
  • Doublette 2’’
  • Trompette 8’’
  • Fournitures 2 rangs
  • Flûte à cheminée 8’’
  • Flûte 4’’
  • Quarte 2’’
  • Nazard 2 2/3
  • Larigot 1/3
  • Tierce 1 3/5
  • Sousbasse 16’’
  • Bourdon 8’’
  • Tirasse I
  • Tirasse II
  • Accouplement II-I

 

Lien : http://europe.chez-alice.fr/amotec3.htm


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Texte : Édouard Goulon, Claude Richard-Molard et AMOTEC (Les Amis de l'orgue du Temples de Crest), tous droits réservés.
Photos : en attente, tous droits réservés.