Étaules : histoire du temple


Si en 1853, on trouve à Étaules, une église, une mairie, un notaire, une école et de nombreux commerces, on n'y voit pas de temple. Et pourtant, les protestants sont nombreux.

Il n'y a pas, il n'y a jamais eu de temple à Étaules même au cours des siècles précédents.

Les communes voisines ont chacune le leur et même en ont eu plusieurs, quelquefois, au cours des ans.

Cette situation est inadmissible aux yeux des protestants étaulais, et de leur maire de l'époque, Alfred Chevallier.

Les protestants d'Étaules en ont assez d'aller au temple soit à Avallon, 2 km, soit à Paterre, encore plus loin. La mère d'Alfred n’a-t-elle pas été victime d'un attentat en allant à Paterre par les bois de Chassagne ?

Vexation nouvelle, Alfred est destitué de son poste de maire et remplacé par un catholique.

Devant tous ces évènements, ils montent une pétition pour avoir un temple. Par là Alfred et ses amis ennuient le maire catholique Guérin, et nous allons assister à une longue bagarre entre les deux clans.

Obligé de prendre une décision, le conseil municipal vote par 10 voix contre 2, le 26 juin 1853, pour que l'on prenne en considération la pétition protestante. Puis il réfléchit sur la question. Il va réfléchir jusqu'au 3 novembre : il nomme une commission pour trouver un terrain et s'occuper de l'édification.

Tout de suite le terrain est trouvé, mais le maire Guérin ne signe son achat que comme président de la commission, étant personnellement contre ce projet. Mais pourquoi tant d'obstination de la part de la « réaction » ?

L'histoire remonte très loin, jusqu'en 1723, date de la translation des restes d'une antique chapelle sur l'îlot de Paradis, au centre d’Étaules où se trouve l'église actuelle. Le terrain avait été acheté en son temps par l'abbé Dumesny, avec son propre argent. L’église fut montée avec des fonds privés, et des fonds royaux. Les protestants n'y participèrent pas.

Or, pour le projet du temple, c'est de l'argent communal qui va servir ; donc une part vient des catholiques. Pour le maire Guérin, voir de l'argent catholique servir à édifier un temple est une chose inadmissible, d'où son opposition.

Pour Alfred Chevallier, au contraire, c'est un bon tour joué au maire.

Nous pourrions avancer que la construction de temple d'Étaules a été décidée à la fois par nécessité, et, dans un but politique, pour contrer la "réaction".

Revenons à notre temple et à un autre terrain trouvé le 6 décembre, plus petit mais mieux placé, il a surtout un prix réduit. Mais même semi-obstruction du maire qui laisse traîner.

Revirement de la situation : à 36 ans, Alfred a du tonus, et fait perdre son poste de maire à Guérin. En juin 1855; il reprend la place de maire.

Aussitôt le 11 septembre, il s'occupe du futur temple en déclarant qu'aucune réparation n'est à faire à l'église... (qui en a pourtant bien besoin).

Devant ce subit aveuglement, l’administration répond qu'aucune suite ne sera donnée à l'affaire du temple si le conseil ne vote pas une certaine somme à la fabrique catholique. Victime de ce chantage, Alfred est obligé de s'incliner et donc, curieuse situation, contraint de réparer d’abord l'église pour pouvoir construire son temple !

La commune emprunte donc les 3.224 F nécessaires à la construction du temple, le tout remboursable en 4 ans. Deux protestants étaulais font un beau geste (Gabiou et Gatineau ) et donnent un terrain pour construire ce fameux temple.

Pour les 450 protestants étaulais (sur environ 1.000 habitants), c'est bien parti. Tout est accepté par la commune le 13 mai 1856. En août, on parle d'un autre endroit, mais qu'il faut acheter, ce qui est fait en 1857. Voilà déjà 4 ans que le sujet est à l'ordre du jour.

Subitement, une idée germe dans la tête d'Alfred ; en mars 1857 : réunir Chaillevette à Étaules, loger le pasteur à Étaules et faire participer Chaillevette aux dépenses, solution évidemment très intéressante pour Étaules.

Devant les pasteurs Lafon et Dyvorne, du consistoire de La Tremblade, le projet échoue, et jamais Alfred ne le leur pardonnera, surtout au pasteur Lafon. Le temple sort enfin de terre en octobre 1859, quand une augmentation imprévue du devis et une erreur de calcul brouillent tout. Il est demandé au conseil municipal la somme supplémentaire de 2.541 F. Vexé, celui-ci ne vote que 776 F. Pour le reste, il n'y a qu'à voir le gouvernement qui autrefois a aidé l'église catholique.

C'est alors que les malheurs d'Alfred vont commencer : quand il pleut, il faut un pont pour entrer dans le temple ... un aqueduc souterrain et un long fossé vont être nécessaires. A nouveau, en mars 1861, le financement boite car le conseil presbytéral de La Tremblade ne peut verser les 1.800 F promis.

Bien difficilement, le temple est à peu près terminé en 1864, et le conseil presbytéral d'Étaules demande au maire d'employer des fonds économisés (par quel miracle?) pour édifier un mur de clôture. Déjà 11 ans depuis la première pétition. Curieusement, à la même époque, il est question de supprimer le mur devant l'église catholique ? Allons-nous assister à une nouvelle translation ? Non, car un entourage en pierre de taille est posé durant l'été 1865, surmonté d'une magnifique grille. Tout irait bien, si, en 1882, subitement, le plafond n'avait l'air de s'effondrer sur le pasteur et ses fidèles. Vite une commission communale pro-protestante est créée, et revient effarée de sa visite au malade (une commission pro-catholique n'aurait probablement rien remarqué !).

Le 1er juin 1882, une lézarde de 3 centimètres de large est constatée et coûtera 550 F de réparation. Le 20 mai 1883, la lézarde mesure 8 centimètres et le plafond commence à s'effriter, la toiture devient de plus en plus en mauvais état mais personne ne répare rien. Le conseil, très ému, vote 200 F et sonne à la porte de l'autorité supérieure, de plus en plus sourde.

Enfin, plus de trois ans après la première alerte; le maire Cholous, et l'entrepreneur Bompaire signent un traité, approuvé par le conseil municipal, afin d'exécuter les travaux nécessaires à la survie du temple, ceci pour la somme de 699,90 F. D'après ce traité, les travaux seront terminés dans un mois et payés sur le champ. Il est grand temps !

L'affaire reste à peu près tranquille pendant 20 ans, et il faut arriver à février 1905 pour revoir notre temple à la une ; il se dégrade à nouveau, et le pasteur Ballande demande un secours au département.

Entre temps, notre temple a perdu son créateur et défenseur, Alfred Chevallier, mort en 1901, fâché avec son pasteur Ballande depuis 1892. Sacré caractère cet Alfred Chevallier, notre arrière-grand-père.

Quant aux grilles de l'entourage, elles sont enlevées vers l940.

Le toit et le campanile sont détruits par le bombardement du 16 avril 1945.

Réparé, modifié à l'intérieur, modelé « au goût du jour », il regarde passer les années et écoute sonner les cloches de sa voisine l'église, deux pôles explosifs à une certaine époque.

Heureusement les temps ont changé.

Claude GOULEVANT (1990).


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Texte : Claude Goulevant, tous droits réservés.