L'architecture religieuse protestante


Y a-t-il une architecture religieuse protestante ? On peut légitimement s'interroger tant sa diversité est grande. Toutefois, il est possible d'y discerner quelques constantes qui perdurent d'un siècle à l'autre, d'un style à l'autre et qui sont la : suppression du culte des images et l'organisation de l'espace intérieur autour de la chaire et de la table de communion (et non de l'autel).

Au XVIe siècle : des adaptations et des constructions neuves

Lorsque la Réforme est suffisamment implantée en France, les réformés ressentent le besoin de lieux de culte plus vastes que les maisons particulières qu'ils utilisaient jusque là.

    a - des adaptations :

      Les protestants vont d'abord investir des lieux publics, souvent en fonction de leur puissance politique et militaire locale, des abbayes ou des couvents, des églises catholiques auxquels ils imposent des transformations conformes à leurs conceptions spirituelles :

      • suppression du culte des images, statues de saints et de saintes, images pieuses, etc...
      • réorganisation de l'espace intérieur : disparition des autels et réaménagement de l'édifice autour de la chaire et de la table de communion.
     

    b - des constructions neuves

      Ensuite, en fonction des édits de paix qui leur en donnent le droit, les réformés vont construire des édifices neufs financés par des communautés pourtant très appauvries par les guerres de religion. Ils leur donneront le nom de temples par référence aux temples de Jérusalem et de Salomon. Ces constructions neuves, qui auront parfois une existence éphémère, peuvent être classées en trois catégories :

      • les temples des communautés (Lyon),
      • les chapelles seigneuriales (St Pierre de Chandieu)
      • les temples issus de réutilisation ou d'aménagements d'immeubles existants (Poët-Laval).

 

 

Au XVIIe siècle

L'Édit de Nantes, en autorisant les réformés à construire des lieux de culte qui leur soient propres à condition qu'on ne puisse les confondre avec une église catholique, a en quelque sorte été le catalyseur d'une production architecturale originale. Il n'en subsiste que fort peu de temples et la documentation sur ceux qui ont été détruits (une écrasante majorité) en est des plus lacunaire, ce qui rend très difficile d'en faire une étude. Cependant, on peut distinguer trois grand types :

  • le type illustré par le temple caché de Velaux
  • le temple de forme plus ou moins ovoïde, même s'il s'inscrit dans un polygone (Dieppe ou Caen)
  • le temple de forme rectangulaire simple (Charenton pour Paris)

Ces types sont inspirés du même principe : c’est autour de la Bible, lue et commentée que se réunit la communauté, dans un espace fonctionnel, bien éclairé par le soleil du matin, un nouvel espace architectural unifié dont la dynamique propre tient à l'articulation entre le rassemblement d'une part, la référence à la Parole qui le convoque.

Le type de Velaux, qui se retrouve dans celui de Collet-de-Dèze, en Lozère (le seul aujourd'hui à présenter aux yeux de tous une structure identique avec une simple charpente en châtaignier dont les poutres s'appuient sur l’arc médian, plein cintre, en pierre de taille), mais aussi dans ceux, détruits, d'Anduze, Florac, Saint-Germain-de-Calberte, Lasalle, mais aussi à Orange où il fut remarqué par John Locke en 1675 : « une seule arche de pierre, pareille à un pont, embrassant toute la longueur de l’église et soutenant les chevrons comme la poutre maîtresse d’une maison. » A Velaux, cette arche est appuyée à l’ouest sur le clocher dont la sobriété rappelle celle du temple d’Anduze. Cette arche soutenant la charpente du bâtiment est d’origine et la façade, complètement décentrée par rapport à l’église actuelle, est en harmonie architecturale avec la grande arche et le clocher. L’arche, moyen utilisé par les concepteurs de ce type de temple pour le couvrir, permettait de dégager un vaste espace, sans piliers, ce qui répondait à une conception nouvelle des lieux de culte ; une architecture nouvelle, influencée et produite à l'aide de la seule parole.

Le modèle ovoïde est illustré par les temples suivant : le deuxième temple de Dieppe, Caen, Quevilly, etc

Dès la mort d'Henri IV (1610), l'Édit de Nantes est remis en cause, et les démolitions de temples construits après 1598 se dérouleront tout le long du siècle, jusqu'à connaître leur apogée avec la Révocation de 1685. Celle-ci amène la destruction de la quasi totalité des temples sur l'ensemble de la France.

Seuls subsistent quelques très rares temples, Cardet (transformé en église catholique), de Cénevières, du Collet de Dèze (transformé en hôpital), d'Hougerville (près de Fécamp, exercice de fief), du Poët Laval (parce qu'il faisait aussi fonction de salle de réunion municipale), de Ponet Saint Auban, de Velaux (transformé en église catholique), de Vézenobres, et enfin des Vialas.

L'Alsace a une place à part car elle n'est en effet rattachée à la France qu'avec le traité de Westphalie (1648), et l'Édit de Nantes n'y sera pas appliqué. Strasbourg ne devient française qu'en 1681 : sa cathédrale sert au culte protestant pendant 150 ans. Les temples alsaciens sont souvent l'objet de cultes alternés (catholique et protestant) ou simultaneum. Par ailleurs le culte luthérien, moins sévère que le culte calviniste, tolère à l'intérieur de l'édifice la présence de scènes religieuses, et conserve également des décors des anciennes églises catholiques :

Si des constructions neuves se rencontrent au XVIIe siècle en Alsace ou au pays de Montbéliard (Temple Saint-Martin), dans les autres régions françaises, elles sont peu nombreuses, passé les premières années du siècle.

Note : nous faisons arbitrairement débuter le XVIIème siècle en avril 1598, à compter de la signature de l'Édit de Nantes.

 

 

Le XVIIIe siècle, les assemblées clandestines :

Le protestantisme est hors la loi : il n'y a donc aucune construction nouvelle de 1685 à 1787, mais des lieux de culte clandestins. Les protestants réfractaires (convertis de force) se réunissent en « assemblées » dans des lieux écartés : c'est l'époque du Désert qui donnera bien souvent lieu à des épisodes tragiques dans les Cévennes, le Languedoc, le Poitou, les Charentes, la Normandie.

A signaler une initiative originale en Saintonge : les maisons d'oraison.

À la fin du XVIIIe siècle, la tolérance, qui s'est installée dans la société et qui se manifeste par l'Édit de Tolérance de Louis XVI (1787), permet aux protestants de se réunir et quelques constructions sont réalisées dans les toutes dernières années.

 

Les temples de la fin du XVIIIe siècle

  • À Orthez (Pyrénées Atlantiques), une église du Désert est créée dès 1757, et, en 1789, la communauté protestante acquiert un terrain pour y édifier une « grange primitive » à usage de temple inaugurée le 25 novembre 1790. Au début du XIXe siècle, la façade sera ornée d'un péristyle à arcade et, en 1821, Louis XVIII offrira la grille du portail avec son monogramme.
  • À Monneaux (Aisne), en 1792, est construit un temple qui sera malheureusement détruit pendant la guerre de 1914-1918. Il sera restauré grâce à l'église méthodiste épiscopale américaine.
  • À Bolbec (Seine-Maritime). Jean Guilmard fils d'un nouveau converti, décédé à Londres en 1782, laisse un legs pour la construction d'un temple. Celle-ci est décidée en 1792, mais le temple ne pu être inauguré qu'en 1797.
  • À Montivilliers (Seine-Maritime). construit en 1787 par Pierre Bernage (fils de Jacques, riche marchand de dentelles), c'est le seul temple qui a été construit sous le règne de Louis XVI (hormis l'Alsace).

 

 

Au XIXe siècle

Les lois organiques de 1802, qui suivent le Concordat de 1801, vont donner un nouveau souffle au culte protestant : les protestants reçoivent le soutien de l'État pour réédifier les temples détruits par la Révocation ou réutiliser d'anciens bâtiments cultuels nationalisés par la Révolution et désaffectés (abbayes, couvents, églises).

 

    a - Édifices réutilisés en temples

      Parmi les édifices réutilisés en temples, on peut citer :

      • Valence (Drôme), ancienne abbaye de Saint-Ruf
      • Nîmes (Gard) ancienne chapelle du Couvent des Ursulines (petit temple) et ancienne chapelle du couvent des Dominicains (grand temple),
      • Angers (Maine-et-Loire) ancienne chapelle Saint-Éloi,
      • Lyon (Rhône) - ancienne "loge du Change" (en langage actuel on dirait ancienne "Bourse")
      • Montauban (Tarn-et-Garonne) ancienne chapelle des Carmes,
      • Bordeaux (Gironde), ancienne chapelle du Couvent des Filles de Notre-Dame (Temple du Hâ),
      • Paris (Seine), anciens couvents des Billettes, de l'Oratoire, de Pentemont (ou Penthemont), église de la Visitation Sainte-Marie.

 

 

    • La période néo-médiévale

      Néo-gothique ou néo-roman, cette vague médiéviste s'impose à partir de 1830 et jusqu'en 1890 environ. Parmi eux, quelques exemples :

      Un des temples les plus intéressant est celui de l'Étoile à Paris, construit en 1874 à la demande du pasteur Eugène Bersier sur les plans de l'architecte suédois Hansen.

      Parfois se rencontrent certaines originalités :

        • à Walincourt (Nord) est construit en 1822 un temple utilisant la brique rouge du Nord,
        • au Creusot (Saône et Loire), madame Eugène Schneider, épouse du maître de forges, met en 1864 à la disposition des ouvriers spécialisés protestants venus de Suisse ou d'Allemagne un ancien four de verrerie, construit en 1782 pour la cristallerie de Marie-Antoinette.

 

    • La période multiforme (1880-1920).

      Cette époque que l'on peut qualifier également de « pittoresque » essaie de faire appel à l'imagination créatrice mais sans grand succès. On joue surtout sur l'ornementation extérieure, on s'essaie au style régional (temple-chalet), on complique les formes ou les clochers. Le style Art nouveau n'a malheureusement pas d'effet sur l'architecture protestante.

      Le seul exemple original de cette époque est celui du Foyer de l'Âme (Paris, 1906) construit à l'initiative du pasteur Charles Wagner en s'inspirant de l'architecture des Grands Magasins : verrières colorées, galeries à colonnettes, auditoire disposé en élévation, l'architecture cherche à ne plus faire église, tout en gardant l'aspect cérémonial. Mais cet exemple n'a pas fait école.

 

 

Au XXe siècle

Les nouveaux matériaux, dont le béton, amènent la naissance d'une esthétique architecturale liée aussi au renouveau liturgique. En fait, le style religieux cherche à s'adapter à celui de l'architecture civile souvent avec lourdeur et sans originalité. Au cours du XXe siècle, d'autres réalisations intéressantes sur le plan architectural sont à signaler :

d'après la page très remaniée et complétée architecture religieuse protestante du site Musée virtuel du protestantisme français.

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